Ferdinand Berthier, ce nom vous évoque peut-être quelque chose. Ce grand personnage historique a énormément contribué à la défense des droits des personnes sourdes et malentendantes. Si vous ne savez encore rien de lui, c’est le moment d’en apprendre plus. Qui est Ferdinand Berthier ? Histoire entière de cet homme dont l’héritage historique demeure encore dans nos sociétés.
Naissance et enfance
Le 30 septembre 1803 naquit Ferdinand Berthier à Louhans, une région située en Bourgogne en France. Descendant d’une famille noble, son père François Berthier était chirurgien. Le destin du petit Ferdinand bascule à l’âge de deux ans. En effet, après une congestion cérébrale, l’enfant victime de la perte auditive devient sourd-muet.
Un événement malheureux qui va définir le reste de la vie de celui qui allait être surnommé le Napoléon des sourds. Durant son enfance, il fréquente l’Institut des sourds-muets de Paris dirigé par l’abbé Sicard, qu’il intègre à l’âge de huit ans en 1811. Très intelligent et brillant, il n’a pas mis du temps à se démarquer des autres jeunes sourds et à impressionner ses professeurs malentendants comme sourds. Notamment Auguste Bébian, initiateur de la langue des signes française (Lsf) au sein de l’institution.
En 1817, il échappe in extremis à la mort lors d’un incendie survenu à l’institut. Il doit la vie sauve au garçon de service qui a réussi à le tirer des flammes. Le destin lui réservait sans doute de grandes choses malgré sa déficience auditive.
Un dessinateur hors pair
Louis XVIII, roi à l’époque, tombe également sous le charme du jeune élève sourd-muet qui lui démontre tout son talent de dessinateur. Le monarque reçut des mains de Berthier un dessin de Henri IV. Le talentueux élève avait aussi conquis l’admiration du duc d’Angoulême, mais aussi de la duchesse de Berry. Une fois ses études terminées, les parents de Berthier décident sans surprise de l’orienter vers un graveur pour mettre à profit son talent de dessinateur. Ce qui n’a pas vraiment plu à Ferdinand.
Une carrière d’enseignant dévouée
Brillant lors des cours de langue des signes, l’élève Ferdinand Berthier trouve sa vocation dans l’enseignement. Il continue son aventure au sein de cette maison des sourds, mais cette fois-ci en qualité de professeur. Il fut d’abord moniteur adjoint avant d’être nommé répétiteur en titre en 1824 après une discussion avec le duc de Berry.
Par la suite débute alors pour François une brillante carrière d’enseignant de langues des signes en 1829, un an après le décès de sa mère. Accompagné par Alphonse Lenoir, le professeur titulaire met son savoir et sa connaissance au service des élèves atteints de surdité profonde de France. Beaucoup se souviennent de son attachement profond pour les enfants du silence.
En réalité, à partir de 1830, alors que le système éducatif devient totalement défavorable aux élèves sourds, avec l’exclusion des professeurs sourds, le jeune professeur n’hésite pas à défendre farouchement la cause de ses élèves. Il adresse de nombreuses plaintes à l’endroit du ministère de l’Intérieur. Ses multiples plaintes et dénonciations auprès du roi Louis-Philippe lui donnent gain de cause.
Fervent défenseur des sourds, meneur de la lutte sourde
Quand on parle de Ferdinand Berthier, on pense notamment à sa vie passée à défendre les personnes atteintes de surdité. Dans un monde où être sourd et aveugle constitue de graves handicaps, Ferdinand s’est lancé dans une rude bataille aux côtés des enfants malentendants. Son engagement coriace lui a même valu, de la part de Victor Hugo, le surnom de « Napoléon des sourds ».
Suite à la fin du règne de Charles X en 1830, Berthier mène des négociations avec l’administration de l’institut afin de faire revenir son ami Bébian. Son ami et collègue était le seul à comprendre et à avoir les mêmes objectifs que lui. Bébian avait même publié un essai qui allait apporter une avancée majeure dans la vie des sourds. Malheureusement, sa revue intitulée Journal de l’instruction des sourds-muets et des aveugles disparut.
Berthier essaya de concrétiser son nouveau projet de création d’une nouvelle revue sans succès. Conscient de l’importance de Bébian à ses côtés pour rendre le monde des sourds meilleur, Berthier soulève les élèves de l’institution contre leur directeur. Une tentative infructueuse, d’autant plus que certains des élèves se verront exclus de l’établissement.
Une lutte intensifiée en faveur de la langue des signes
Il a fallu attendre 1832 pour voir un changement à la tête de l’administration de l’institut. L’abbé Borel est remplacé par Désiré Ordinaire, médecin. Ce qui n’a pas du tout arrangé les choses puisque ce dernier semble rester sourd aux revendications des professeurs. Au lieu de valoriser la langue des signes, il rétrograde plutôt Berthier.
L’affront de trop pour Berthier, défenseur de la langue des signes et qui décide alors de mener un mouvement de résistance. Il fait sortir par conséquent un ouvrage dans lequel il critique fortement la politique de l’administration de l’institution impériale des sourds-muets de Paris.
Lui et les autres professeurs autrefois renvoyés sont finalement réintégrés dans l’établissement. Une victoire pour Berthier et ses collègues. La même année, il organise une grande fête en l’honneur de l’abbé de l’Épée. Il confie l’organisation du banquet à un comité composé de sourds.
Naissance de la société des sourds-muets
Ce qui était un petit comité de défense de la cause des enfants déficients auditifs, se transforme deux ans plus tard, en 1838 en société des sourds-muets. Créée le 27 mai, cette organisation, dont il était le président, s’est donné pour objectif de réunir des cotisations en vue de financer et de soutenir les personnes déficientes auditives.
Peu après la création de cette organisation historique, Berthier perd un allié de taille. Son compagnon fidèle, Bébian, meurt pauvre. Il sortira alors un livre pour lui rendre hommage. Avec lui, il a défendu avec force l’accès à la langue des signes. En 1840, Désiré Ordinaire se retire de la direction de l’institution, succédé par De Lanneau.
Très vite, alors qu’ils s’entendaient bien au départ, les relations entre le nouveau directeur et Berthier deviennent très tendues. Cette année sera celle de la publication de son ouvrage Les sourds muets avant et depuis l’abbé de l’Épée. En 1843, pour rendre hommage à celui qu’il admirait tant, Berthier inaugure la tombe de l’abbé de l’Épée dont les restes avaient été profanés auparavant.
Nommé ensuite doyen des enseignants au sein de l’institut et président à vie des banquets des sourds-muets, l’ami des personnes en situation de handicap entreprend plusieurs démarches afin d’améliorer les conditions d’études de ces élèves souffrant d’une baisse d’audition sévère. Âgé de 41 ans, son père meurt en 1844, suivi de son frère en 1846.
La Légion d’honneur, une distinction pour ses multiples combats
En 1847, pour récompenser ses nombreux engagements à l’endroit des sourds-muets, la société centrale avait mis sur pied une pétition pour demander la Légion d’honneur pour Berthier. Cependant, un an plus tard, Louis-Philippe n’est plus roi de France. La deuxième république ainsi instaurée permet en décembre 1848 de porter Napoléon Bonaparte au pouvoir.
Déjà membre de l’assemblée constituante ayant élu Napoléon, Berthier se voit recevoir la distinction ultime. La Légion d’honneur marque de ce fait son intégration dans le cercle des hommes de lettres. Il devient par ailleurs le premier sourd à recevoir la Légion d’honneur. Jusqu’en 1865, le défenseur des victimes de troubles auditifs multiplie les bonnes actions en faveur de ses frères. Il décide de prendre sa retraite la même année.
Ferdinand Berthier, une bibliographie riche et très variée
De son vivant, le professeur à l’institut des sourds aura laissé de nombreux ouvrages pour la postérité. Si certains d’entre eux n’ont jamais vu le jour, d’autres par contre ont été publiés.
- Les sourds-muets au XIXe siècle
- Histoire et statistique de l’éducation des sourds-muets, paru en 1836
- Notice sur la vie et les ouvrages de Auguste Bébian, ancien censeur des études de l’institut royal des sourds-muets de Paris, publié en 1839
- Les sourds-muets avant et depuis l’abbé de l’Épée, écrit en 1840
- Extrait de la dix-huitième livraison de l’encyclopédie du XIXe siècle, paru en 1844
- Sur l’opinion de feu le De Itard, qui aborde les facultés intellectuelles des personnes sourdes-muettes, écrit en 1852
- L’abbé de l’Épée, sa vie, son apostolat, ses travaux, sorti en 1852
- Histoire des sourds-muets, publiée en 1867
- Le code Napoléon, code civil de l’Empire français, rédigé en 1868
- L’abbé Sicard, écrit en 1873
- Un mot sur le buste de l’abbé de l’Épée à l’église Saint-Roch à Paris et sa statue à Versailles, publié en 1874
Mort de Ferdinand Berthier
Au cours de sa vie, le doyen des professeurs de l’institution royale pour les sourds-muets n’aura eu qu’un seul regret, celui de n’avoir pas été censeur. À plusieurs reprises, il a demandé à avoir ce poste de responsabilité. Mais l’administration a préféré faire la sourde oreille en raison de sa surdité.
Victor Hugo dira à ce propos le 25 novembre 1845 : « Qu’importe la surdité de l’oreille quand l’esprit entend ? La seule surdité, la vraie surdité, la surdité incurable, c’est celle de l’intelligence ». En 1875, il écrit son testament et déménage pour Gozlin. En 1880, les derniers espoirs de Ferdinand de voir les langues signées devenir un moyen d’éducation tombent à l’eau.
Le congrès international de Milan affirme que la langue orale prime sur le langage signé. Une déception donc pour l’homme âgé de 77 ans. Âgé de 83 ans, le professeur, ami des sourds-muets, meurt le 12 juillet 1886 à Paris. Il repose en Saône-et-Loire.
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